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Prescription biennale et recours d’un tiers : l’article L. 114-1 alinéa 3 du Code des assurances sinon rien

Affaires - Assurance
05/01/2021
Par un arrêt du 17 décembre 2020, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L. 114-1, alinéa 3 du Code des assurances, si l’action de l’assuré a pour cause le recours d’un tiers, le délai de prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
 
Faits et solution

En l’espèce, un associé dans trois sociétés commerciales en difficultés financières, est déclaré en cessation de paiement le 7 mai 1974. Vingt ans plus tard, le 19 juillet 1994, un concordat (terme juridiquement désuet désignant un arrangement avec les créanciers) avec abandon d’actif a été homologué. Parallèlement, un commissaire à l’exécution dudit concordat a été désigné pour mener à bien le désintéressement des créanciers.

Or, le commissaire en question est condamné pénalement en 1995 pour avoir effectué des retraits à titre personnel sur le compte séquestre.

Un administrateur provisoire a ensuite été désigné. Le 5 novembre 1998, il déclare un sinistre pour non-représentation de fonds à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. À son tour, ladite caisse est assignée par l’associé lésé le 25 avril 2002.

La caisse a été protégée contre la non-représentation de fonds : une police de seconde ligne a été souscrite à ces fins auprès de la société AGF aux droits de laquelle vient la société Allianz.

Le litige oppose ainsi les ayants droit de l’associé et la Caisse de garantie d’un côté et la société Allianz de l’autre.
Pour mémoire, l’article L. 114-1 du Code des assurances prévoit notamment que « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ». Cette disposition a nourri, au fil des années, un contentieux abondant sur le point de départ du délai de prescription tant la diversité des contrats d’assurance est grande.

En effet, pour la société Allianz, demanderesse à la cassation, la Caisse a été informée par l’administrateur provisoire le 5 novembre 1998 d’un sinistre pour la non-représentation de fonds, ce qui constitue le point de départ du délai de prescription biennale. Pour la cour d’appel, ce n’est qu’à partir de la date d’assignation de la Caisse que le délai de prescription commence à courir, soit en avril 2002. De même, la Cour d’appel de Montpellier demeure insensible à l’argument selon lequel, le cas échéant, la Caisse en été informée par le rapport de l’expertise comptable remis le 24 avril 1999.

La solution de la Cour de cassation est aussi laconique que tranchante. Pour rejeter la demande d’Allianz, elle rappelle sèchement que « selon l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, quand l’action de l’assuré a pour cause le recours d’un tiers, le délai de prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier ». Formule appliquée à l’espèce, la cour constate donc que l’assignation faite par l’associé et étant délivrée le 29 avril 2002, « il s'ensuit que l'action en garantie exercée par cette dernière [la Caisse de garantie] contre son assureur, le 31 octobre 2002, n'était pas prescrite ».

Éléments d’analyse

La Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, instituée par la loi du 25 janvier 1985, est un organisme soumis aux dispositions du Code de commerce et est doté, aux termes de l’article L. 814-3 dudit code, de la « personnalité civile et gérée par les cotisants [ayant] pour objet de garantir le remboursement des fonds ». Ce même article précise, dans son avant dernier alinéa, que « la caisse est tenue de s'assurer contre les risques résultant pour elle de l'application du présent code ». L’article suivant ajoute en outre que « Il doit être justifié par chaque administrateur judiciaire ainsi que par chaque mandataire judiciaire inscrits sur les listes d'une assurance souscrite par l'intermédiaire de la caisse de garantie. Cette assurance couvre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, du fait de leurs négligences ou de leurs fautes ou de celles de leurs préposés, commises dans l'exercice de leurs mandats ». Ainsi, le tiers lésé, l’associé et ses ayants droit, ne pouvait se retourner que contre la caisse qui, d’après la lettre de la loi, est assurée contre la non-représentation des fonds par faute ou négligence des administrateurs judiciaires adhérents audit organisme.

Les termes de l’alinéa 3 de l’article L. 114-1 du Code des assurances constituent un tempérament à la lettre de l’alinéa premier : même si, comme en l’espèce, l’assuré avait connaissance du sinistre, le délai de prescription ne commence à courir qu’à partir de l'action en justice d’un tiers. Du côté de la jurisprudence, la Cour de cassation a déjà pu adopter une solution aux conséquences identiques. Dans un arrêt de rejet en date du 11 septembre 2008, la Cour a approuvé une cour d’appel qui a « exactement déduit que cette date constituait le point de départ de la prescription biennale, dès lors acquise au jour de l'assignation au fond en garantie dirigée contre les assureurs » (Cass. 2e civ., 11 sept. 2008, n° 07-16.943). Dans un autre arrêt plus récent, rendu cette fois au visa de l’article L. 114-1 du Code des assurances, la troisième chambre civile rappelle expressément que « quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier » (Cass. 3e civ., 13 févr. 2013, n° 11-28.810).

En somme, la solution ne surprendra point : elle ne fait que suivre à la lettre la loi et les solutions antérieures rendus dans des affaires similaires. Ce qui surprendra en revanche est la persistance d’Allianz à ne pas vouloir accorder sa garantie tout en connaissant tant les dispositions de l’article L. 114-1 alinéa 3 que la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière…

 
Source : Actualités du droit