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Covid-19 et report de certains termes : quid des délais spécifiques du transport routier

Transport - Route
31/03/2020
Prise sur le fondement de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (L. n° 2020-290, 23 mars 2020, JO 24 mars), une ordonnance du 25 mars aménage les délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et adapte les procédures pendant cette même période (Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, JO 26 mars). Elle est présentée, quant à ses dispositions générales relatives à la prorogation des délais, par une circulaire du Garde des sceaux du 26 mars (Circ. 26 mars 2020, NOR : JUSC2008608C).

Dispositions et stipulations concernées

 Sont notamment concernés :
  • aux termes de l’article 2 de l’ordonnance : « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque » ;
  • aux termes de son article 4 : « Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé » ;
  • aux termes de son article 5 :  les conventions ne pouvant être résiliées que durant une période déterminée ou renouvelables tacitement.

 Mécanisme de la prorogation

 
Sont concernés les délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 (date d’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire aux termes de l’article 11, I, 2, b de la loi no 2020-290) et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré (ce délai global étant dénommé « période juridiquement protégée »). À ce jour, le terme de l’état d’urgence étant fixé au 24 mai 2020 (2 mois après la date d’entrée en vigueur de la loi no 2020-290, soit le 24 mars, jour de sa publication au Journal officiel, sans préjudice toutefois d’une possible modification en fonction de l’évolution de la lutte contre la pandémie, par décret pour en abréger l’échéance, par loi pour l’augmenter) le terme de la « période juridiquement protégée » est lui fixé au 24 juin 2020.
 
À compter de cette date, plusieurs possibilités.
 
Pour les actes relevant de l’article 2 de l’ordonnance :
  • soit le délai initial était inférieur à deux mois (p. ex : formalité de l’article L. 133-3 du Code de commerce) et l’acte doit être effectué dans le délai imparti par la loi ou le règlement (soit au plus tard le 27 juin) ;
  • soit il était supérieur à deux mois (p. ex : action fondée sur le contrat de transport et relevant de la prescription annale de l’article L. 133-6 du Code de commerce) et il doit être effectué au plus dans un délai de deux mois après le 24 juin (soit au plus tard le 24 août).
 
Lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, les astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires ou autres clauses de déchéance sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période juridiquement protégée. Elles prendront effet un mois après cette période, si le débiteur n’a pas exécuté son obligation d’ici là. Le cours des astreintes et clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020 est pour sa part suspendu pendant la période juridiquement protégée. Elles reprennent effet dès le lendemain (soit, à ce jour, le 25 juin).
 
S’agissant des conventions relevant de l’article 5, la partie qui n'aurait pas pu résilier un contrat ou s’opposer à son renouvellement dans le délai imparti bénéficie d'un délai supplémentaire.
Le délai pour résilier ou dénoncer une convention lorsque sa résiliation ou l’opposition à son renouvellement devait avoir lieu dans une période ou un délai qui expire durant la période juridiquement protégée est ainsi prolongé de deux mois après la fin de ladite période.
 

Quid des délais spécifiques au transport routier ?

 

Formalité de l’article L. 133-3 du Code de commerce

 
Exigée à peine de forclusion, cette formalité – protestation par lettre recommandée ou par exploit d’huissier – lorsqu’elle demeure à réaliser, devra prendre place au plus tard dans les 3 jours suivant le terme de la période protégée.
 

Brève prescription de l’article L. 133-6 du Code de commerce

 
S’agissant de la prescription de un an de ses articles 1er et 2, elle rentre parfaitement dans le cadre déterminé par l’ordonnance et bénéficie à plein du système de prorogation.
 
À titre d’illustration, imaginons une livraison intervenue le 17 mars 2019 et la constatation à la livraison de dommages à la marchandise. A défaut d’indemnisation amiable et si l’ayant droit envisage l’introduction d’une action en justice, il pourra intenter son action dans les deux mois suivants la fin de la « période protégée » (soit le terme de la période d’urgence sanitaire augmenté d’un mois).
 
En revanche, le bref délai de l’appel en garantie (alinéa 4 de l’article L. 133-6) s’inscrit lui hors de ce contexte général puisque d’une durée inférieure à deux mois. Il devra donc être intenté dans le mois suivant le terme de la période protégée pour une action principale qui aurait été introduite moins de un mois avant le 12 mars, et dans le mois de l’action principale qui serait engagée dans les trois mois su terme de la période d’urgence sanitaire).
 
 

Prescription de un an du contrat type général (art. 25) et du contrat type location (art. 19)

 
Les versions dernièrement révisées des contrats types général et location (il en va d’ailleurs de même du contrat type commission) envisagent expressément des prescriptions d’une durée de un an. La question peut se poser de l’application des dispositions de l’ordonnance en cette hypothèse. En effet, les contrats-types se veulent stipulations conventionnelles. Pour autant, applicables de plein droit à défaut de stipulation contraire et publiés en annexes de décrets, ils pourraient voir les juges leur étendre le mécanisme d’exception, ce au moins pour éviter toute disparité avec les transports relevant des autres contrats types.
 

Prescription CMR

 
Les mesures prises par le gouvernement ne concernent que les règles de droit interne (il ne pourrait d’ailleurs pas modifier unilatéralement des dispositions supranationales). Les dispositions de la CMR en matière de prescription ne sont en conséquence pas impactées par l’ordonnance, les délais qu’elle édicte ne bénéficiant pas de la prorogation.
 

Prescription biennale du Code des assurances

 
Elle suit le même régime que la prescription annale de l’article L. 133-6 (voir ci-avant).
Source : Actualités du droit