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Empêchement de manifester par rétention et atteinte à la liberté individuelle

Pénal - Droit pénal spécial
26/05/2016
Le fait, pour un officier de gendarmerie, de conduire et retenir pendant plusieurs heures une personne dans des locaux dépendant de son autorité, en connaissance de l'absence de fondement légal de la mesure, est constitutif du délit d'atteinte arbitraire à la liberté individuelle par dépositaire de l'autorité publique.
Tel est l'apport d'un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 24 mai 2016. En l'espèce, M. Y, représentant d'un syndicat, a porté plainte au motif que, le 25 novembre 2010, alors qu'il souhaitait aller manifester contre la réforme des retraites à l'occasion d'un déplacement du Président de la République prévu en fin de matinée, deux gendarmes l'ont invité, vers 9 heures 30, à les suivre à la brigade locale, où il a fait l'objet d'une vérification d'identité, d'une fouille ainsi que, de 10 heures 45 à 12 heures 30, d'une audition sur son activité syndicale et sa prétendue participation à un collage d'affiches, et qu'il n'a finalement été autorisé à quitter les lieux que vers 13 heures 45, une fois la visite présidentielle achevée.

À l'issue d'une enquête préliminaire confiée à l'inspection générale de la gendarmerie nationale, une information judiciaire a été ouverte sur les faits, au terme de laquelle le commandant du groupement de gendarmerie, ainsi que son adjoint, le capitaine X, qui étaient responsables localement de l'organisation et de la sécurité du déplacement du chef de l'État, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel sous la prévention d'atteinte arbitraire à la liberté individuelle par dépositaire de l'autorité publique. En première instance, les juges les ont déclarés coupables des faits. En appel, pour écarter l'argumentation des prévenus, qui soutenaient que M. Y n'avait subi aucune atteinte à sa liberté d'aller et venir, l'arrêt a énoncé, notamment, que les deux officiers de gendarmerie avaient donné l'ordre de mettre l'intéressé hors d'état de manifester à la vue du Président de la République, sous couvert d'une vérification d'identité et d'une enquête sur un collage d'affiches, M. X ayant lui-même indiqué lors d'une conversation téléphonique avec ses subordonnés, qui s'interrogeaient sur le cadre légal de la mesure, qu'il s agissait d'une interpellation déguisée et qu'en l'état des directives reçues notamment du préfet, M. Y devait être gardé à la brigade, tandis que le commandant de groupement a reconnu avoir demandé d'extraire l'intéressé et de tout faire pour l'y retenir avant l'arrivée du chef de l'État. La chambre criminelle approuve les juges du fond en ce qu'ils ont retenu que le délit d'atteinte arbitraire à la liberté individuelle par dépositaire de l'autorité publique était constitué.
Source : Actualités du droit